Arden : du smoking au jogging
AMG et Brabus sont sans doute les plus connus des tuners experts dans la personnalisation des Mercedes. Mais qui connait Arden, un des seuls spécialistes des transformations sur base Jaguar ? Petit tour du propriétaire de cette discrète officine… allemande elle aussi.
Jochen Arden est fan d’anglaises – preuve d’originalité, pour un allemand – et s’intéresse plus particulièrement aux Jaguar, à la fiabilité disons, aléatoire, pour rester poli. Tout le contraire de ces sérieuses germaines ! Alpina (lire aussi : Alpina), AMG (lire aussi : Mercedes C36 AMG) et consorts sont nés dans la patrie de Goethe : parler de tuning allemand relève donc du pléonasme. Pour l’anecdote, on précisera qu’entre 1912 et 1916, Arden fut un éphémère constructeur anglais sis non loin de Coventry (« Jaguar City »), spécialiste des cycle cars, engins à trois roues comme seuls les anglais savent commettre…
Tout commence en 1972. A tout juste 20 ans, MonZieur Arden crée un garage spécialisé dans la vente de voitures haut de gamme dans un ancien fournil. Quatre ans plus tard, il devient concessionnaire Mitsubishi, avant de s’engager dans la voie du tuning au début des années 80. Un acte authentiquement pionnier car personne jusqu’alors n’avait osé s’aventurer à pimenter les belles de Coventry…
L’Arden AJ1, sur base XJ12En 1982, Arden devient concessionnaire Jaguar. Cette même année nait l’AJ1, première « Arden Jaguar » de l’histoire. La base est une fière XJ 12, arborant un impressionnant V12 et des lignes la qualifiant souvent de « plus belle berline du monde ». Mais que va-t-il advenir de ces sculpturales courbes une fois passées par les paluches d’un tuner ?… Eh bien, chers amis, le résultat est du meilleur goût. Comme sur les AMG et Brabus de l’époque, le noir mat a remplacé les chromes (et ils pullulent sur les Jaguar !). Cerise sur l’Apfelstrudel, la caisse, rabaissée et gréée d’un kit carrosserie, revêt une originale teinte blanc alpin. Pour la salle des machines, les compagnons du sorcier allemand concoctent divers kits boostant la cavalerie de 253 à plus de 300 ch… Le stade ultime arrive en 85, le V12 passant de 5,3 à 6 litres de cylindrée ! L’AJ1 troque son antique boite automatique GM à trois rapports pour une moderne ZF quatre vitesses, voire une boite manuelle Getrag à cinq rapports.Quant à la vmax, elle passe d’un respectable 230 km/h à un bon deux cinquante.
Passons au salon. L’ambiance d’origine, digne d’un club anglais, devient la aussi plus sportive avec de superbes sièges Recaro électriques à mémoire, revêtus de cuir, Conolly s’il vous plait. L’habitacle peut être aménagé à souhait, avec force applications en bois précieux, pick-nick tables et autre réfrigérateur dans l’accoudoir arrière… Cette XJ12 en jogging haute couture a donc fière allure, à tel point qu’Auto Motor und Sport, la bible des magazines teutons, reconnait la prouesse du team de Jochen. Arden signera bientôt son premier contrat de distribution à l’export avec la firme anglaise de Duncan Hamilton, vainqueur des 24 heures du mans 1953 sur Jaguar Type C. En 1985, Arden trouve un distributeur à Los Angeles au paradis des riches, à Beverly Hills ! D’autres cieux accueilleront les Arden, le Japon et Taïwan notamment. Arden est aujourd’hui représenté par une vingtaine de distributeurs en dehors de l’Allemagne.
L’AJ2 Coupé (en haut) et l’AJ2 Cabriolet, premier « full cab » sur base XJ-SEn 1985, Arden se penche sur le cas de la baroque XJ-S (lire aussi : Jaguar XJ-S). Lancée en 1976, aucune version découverte n’existe encore au catalogue Jaguar. Une arme pourtant indispensable pour séduire la clientèle yankee. Le coupé se trouve décapité et reçoit moult renforts. L’Arden AJ2 C, premier « full cabriolet » XJ-S, déboule au Salon de Francfort à l’automne 85. Jaguar proposera en 1986 la découvrable XJ-SC, conservant donc ses montants latéraux, le cab’ usine n’apparaissant qu’en 1988. Pionnier du full cab sur base XJ-S, Arden sera aussi le premier à installer – avant Jaguar donc – l’ABS sur la berline XJ. Le sérieux et l’étendue des transformations pour créer ce cabriolet valent à Arden, en 1985, la reconnaissance par le service des mines allemand comme constructeur à part entière.
l’AJ3 Station Car, cousine de la Lynx EventerLa troisième création de nos tuners teutons est un shooting brake, toujours sur base XJ-S, baptisé AJ3 Station Car. Enfin, il faudrait plutôt parler d’une base de Lynx Eventer (lire aussi : Lynx Eventer). Comme sa sœur britannique il affiche une ligne éblouissante tout en accueillant 1300 litres de bagages, une fois la banquette rabattue. Pour conserver sa rigidité, la caisse reçoit force renforts, en particulier au niveau du montant C. Cependant, le look et plus sportif et plus m-a-tu-vu que l’Eventer. [A propos de ce shooting brake, je vous encourage à lire les commentaires. Vous y trouverez un précieux texte expliquant en détail l’histoire étonnante de l’AJ3 Station Car, NDLR]
Suivra l’AJ4: construite à 234 exemplaires, soit l’Arden la plus vendue jusqu’alors. Cette AJ1 optimisée adopte un châssis peaufiné avec le spécialiste allemand Bilstein et des jantes de 17 pouces (contre 15 en série). Arden va évidemment chercher à tuner la nouvelle XJ6 dite « XJ40 » (lire aussi : Jaguar XJ40). Les visiteurs du Salon de Genève 1988 découvrent une méchante version biturbo de 330 chevaux. Dûment testée en soufflerie, elle est donnée pour 258 km/h et enterre la version standard (223 ch, 220 km/h). La même année sort l’AJ6, un coupé 2+2 sur base XJ-S abandonnant les étranges montants arrière. Le look devient plus consensuel, au bénéfice de la visibilité et de la garde au toit.
l’AJ8 sur base XJ40Suivront les AJ7 et consorts. Nous épargnerons au lecteur la litanie de toutes les Arden, dont la dénomination est incrémentée d’une unité dès que Jaguar lance un nouveau modèle. La dernière création d’Arden est donc fort logiquement l’AJ23 basée sur la sublime F Type (lire aussi : Jaguar F-Type). En 2000, Arden rend le panneau Jaguar pour se consacrer à 100% à ses opérations de tuning, avec un succès grandissant. Chaque année, une cinquantaine de modèles sont transformés, mais 70% du chiffre d’affaires provient de la vente de pièces et accessoires.
Arden va se diversifier en lançant une filiale de financement, une autre de location de bateaux de luxe, ainsi que des départements « Classic » et « Competition ». Car, passionné de Motorsport, Jochen a entre autres remporté en 1993 le championnat d’Europe historique des GT sur sa Type E. En 1997, il s’attaque en sus à trois autres marques britanniques: Land Rover, Mini et… Bentley.
Contrairement à AMG, qui s’est fait racheter par Daimler-Benz au milieu des années 2000, Arden, comme Brabus, revendique farouchement son indépendance. Et la relève est assurée, Julius s’inscrivant dans les pas de son père. Jochen a tellement réussi son pari qu’il a pu, au fil des ans, « amasser » de quoi se payer une Mercedes 300 SL roadster et une Ferrari F40. Il a également acquis un château du XIVe siècle qui deviendra un écrin déstiné à organiser « solennellement » la remise des clés à ses clients VIP (pléonasme ?!) et organiser des rassemblements Oldtimer.
Interview: 4 questions à Jochen Arden
Comment travaillez vous ?
Nous sommes des pionniers: Jaguar nous a suivi, suite à notre XJ-S “full cabriolet” ou à l’ABS installés par nos soins et pour la première fois sur une Jaguar. Nous développons nos propres compresseurs, testons tous nos kits carrosserie en soufflerie et travaillons avec les meilleurs faiseurs allemands comme Bilstein. Notre équipe compte 15 techniciens hautement qualifiés.
Quels sont vos prochains projets ?
Notre département Arden Heritage proposera bientôt à nos clients de participer à des épreuves historiques. Pour les modèles actuels, nous nous concentrons sur les dernières Range Rover, Jaguar, Mini et Bentley..
Quels sont vos principaux marchés ?
L’Allemagne, puis d’autres pays d’Europe, la Russie et la Chine, deux pays où nous sommes représentés par le réseau Jaguar/Land Rover. Nos clients sont des businessman, des noms à particule, des artistes ou encore proviennent du sport automobile. Mais nous ne dévoilons aucun nom , discrétion oblige !
De quoi êtes-vous le plus fier?
D’être présent sur ce marché de niche depuis plus de 40 ans. Notre crédo: « Made in Germany, designed for the World ».
Texte et interview: Michel Tona
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