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Grand Garage de la rue Forest : le vrai berceau d'Alpine

PAUL CLÉMENT-COLLIN - 12 mars 2016

J’ai quitté Paris en 2006, pris d’une envie d’air frais et de grand large, et alors que Jean Rédélé, fondateur d’Alpine, était encore de ce monde. Depuis, il nous a quitté (2007), et je me suis aperçu que, peut-être, je l’avais déjà croisé. A cette époque, et depuis le début de ma vie professionnelle (ou presque), j’habitais dans le bas de la rue Caulaincourt, et je promenais mon chien selon deux itinéraires : le dimanche, je profitais de la vie de la rue Lepic et de la rue des Abesses, prenant parfois un verre de blanc avec Michou, ou croisant Didier Bourdon et son cocker, que mon épagneul adorait (amour non réciproque) ; mais les autres jours, je préférais le calme de la rue Forest, de la rue Caron et du passage de Clichy. Nous faisions tous les deux le tour d’un grand parking, dont l’entrée ne payait pas de mine rue Forest mais dont on devinait la taille monumentale en faisant le trajet évoqué plus haut. En passant par derrière, notamment rue Caron, on s’apercevait bien qu’il s’agissait d’un bâtiment gigantesque, édifié à des époques sans doute plus fastes ! Mon chien aimait en tout cas pisser à l’entrée, après m’être acheté des cigarettes au tabac tenu par des chinois quelques mètres avant… Un rituel pour nous deux : si j’avais su !

Jean Rédélé jeune !Jean Rédélé jeune !

Ce n’est que plus tard que j’ai su quelle légende se cachait derrière ces murs, sur lesquels pissait avec joie mon cabot : rien de moins que les origines d’Alpine, l’une de mes marques fétiches avec Venturi, et que j’avais vu tristement mourir en 1995 avec la dernière A610 (lire aussi : Alpine A610). Il fallut que je sois en province pour m’y intéresser, à cette grande bâtisse, et à me rendre compte qu’il s’agissait du vaisseau amiral de « l’empire Escoffier », du nom de jeune fille de Madame Rédélé, créé par son père Charles. Et surtout que ces murs avaient vu naître Alpine plus sûrement que Dieppe ! J’avais toujours trouvé rigolo qu’une marque rappelant les montagnes (pour des raisons sportives) soit installée au bord de la mer. Mais la savoir vraiment née sur les contrefort de la Butte Montmartre, montagne parisienne s’il en est, voilà qui donnait du sel (marin?) à l’histoire.

L'entrée du Parking Rédélé aujourd'huiL’entrée du Parking Rédélé aujourd’hui

Les passionnés d’Alpine ne découvriront pas cette information avec surprise, mais les simples amateurs, eux, se poseront la question : « bah, quid de Dieppe » ? En fait, si Jean Rédélé était bien concessionnaire Renault à Dieppe dès 1946 en tant que gérant des Grands Garages de Normandie, ce n’est pas là qu’Alpine est vraiment née ! L’usine n’y sera construite que plus tard, au tout début des années 60. En 1955, l’histoire d’Alpine s’écrit, elle, rue Forest, dans le 18ème arrondissement de Paris !

Jean Rédélé quelques années plus tard, devant une A110 fabriquée, elle, à Dieppe !Jean Rédélé quelques années plus tard, devant une A110 fabriquée, elle, à Dieppe !

Jean Rédélé n’est pas un ingénieur, ou un génial mécanicien autodidacte, mais un commercial (il a fait HEC) doublé d’un passionné de pilotage automobile. Il pilote tant qu’il peut, et dès le début des années 50, rêve de créer sa propre voiture . En 1953, il rencontre le desginer italien Michelotti et, sur la base d’une 4CV, créé la Rédélé Spéciale. Avec cette première voiture, il se voit même conquérir l’Amérique (lire aussi : The Marquis). Entre temps, en 1952, il épouse Michelle Escoffier. Pour un amateur d’automobile, c’est un beau parti : Michelle n’est pas moins que la fille de Charles Escoffier, l’un des plus gros concessionnaires Renault de Paris (autant dire de France). Sa concession est située rue Forest, dans le 18ème arrondissement. Mais l’empire de la belle famille s’étend et s’étendra à d’autres lieux automobiles : les Grands Garages Souterrains à Levallois, les établissements Escobrié à Melun (concessions Renault), ou Escoroute à Paris. La fortune est bien présente de ce côté-là, et la taille (à défaut de splendeur) du vaisseau amiral de la rue Forest en atteste.

L'Hippodrome construit en 1899 (en haut) deviendra ensuite un cinéma, et prendra une façade art déco en 1930 (en bas). Il faisait face à l'imposant Grand Garage Escoffier lors de la création d'AlpineL’Hippodrome construit en 1899 (en haut) deviendra ensuite un cinéma, et prendra une façade art déco en 1930 (en bas). Il faisait face à l’imposant Grand Garage Escoffier lors de la création d’Alpine Gaumont Palace 01A gauche, la rue Forest et le Grand Garage, à droite la rue Caulaincourt qui traverse le cimetière Montmartre ou repose aujourd’hui Jean Rédélé

On imagine ce que cela devait être de garer, d’acheter, ou de faire réparer sa voiture chez Escoffier. Du haut des étages du garage, on apercevait tout Paris, la Butte toute proche, mais aussi le formidable Gaumont Palace situé juste en face, lui aussi majestueux avec ses airs Art Déco qui remplacèrent l’ancienne façade Art Nouveau en 1930. Ironie du sort, le majestueux cinéma (qui fermera ses portes en 1973) avait été construit en 1899 en tant… qu’hippodrome couvert, coincé entre la rue Forest, la rue Caulaincourt et le cimetière de Montmartre. Une époque révolue, car si le Grand Garage existe toujours (sous le nom de Parking Rédélé), le « Palace » a été depuis remplacé par un Castorama et un hôtel Ibis/Mercure dans le plus pur mauvais style des années 70.

Le prototype du Coach dessiné par Louis Gessalin, qui séduisit Charles Escoffier et donna naissance à l'A106Le prototype du Coach dessiné par Louis Gessalin, qui séduisit Charles Escoffier et donna naissance à l’A106

Après la tentative avortée avec la « The Marquis », l’idée d’une nouvelle marque de sport est restée ancrée dans la tête de Jean Rédélé, mais aussi dans celles de Charles Escoffier et de son fils Gérard. En fait, Gérard, qui pilote lui aussi à ses heures perdues, vient un jour faire élargir les ailes de sa Renault 4CV à St Maur chez Chappe et Gessalin, devenus spécialistes de la fibre de verre. Il découvre alors dans les locaux des Etablissements CG un coach bien séduisant réalisé par Louis Gessalin. Il en parle à son père qui deale alors avec CG, tandis que Louis est en Algérie pour son service militaire, pour la fabrication de 25 exemplaires qu’Escoffier s’engage à vendre. Jean Rédélé se joint à l’affaire familiale naissante, et c’est lui qui aura l’idée du nom d’Alpine. La société des Automobiles Alpine naît donc en 1955, et Rédélé, grand commercial, en devient le gérant. Basée sur le châssis et la mécanique de la 4CV, l’Alpine A106 (ce sera son nom) est tout d’abord réalisé à 3 exemplaires : les carrosseries à Saint Maur tandis que les blocs moteurs sont assemblés rue Forest.

Les 3 A106 peintes en bleu/blanc/rouge lors de la présentation à Renault en 1955 !Les 3 A106 peintes en bleu/blanc/rouge lors de la présentation à Renault en 1955 !

Il faut, pour pouvoir lancer la production, obtenir l’aval de Renault. L’avantage, c’est que Rédélé connaît bien la marque (il est son concessionnaire à Dieppe, et a été l’un de ses pilotes officiels), tout comme son beau-père (et peut-être même surtout lui). Mais Rédélé a l’idée géniale de présenter les 3 exemplaires en bleu, blanc et rouge, emportant la décision de la RNUR par entregent et par patriotisme. C’est sans doute ce qui manquait à Chappe et Gessalin pour arriver à ce résultat aussi rapidement. Alpine était donc bien née, et jusqu’à la construction de l’usine de Dieppe en 1960, les A106 étaient fabriquées entre Paris, Saint Maur puis Brie Comte Robert chez CG ! Comme quoi. Malgré des relations parfois conflictuelles avec Rédélé et Alpine, CG restera un partenaire de la marque jusqu’en 1966, réalisant notamment les carrosseries des A108, et même certaines A110, dont l’A110 GT4 (lire aussi : Alpine A110 GT4).

A partir de 1960, c'est à Dieppe que seront assemblées les Alpines (ici des A110 en 1976)A partir de 1960, c’est à Dieppe que seront assemblées les Alpines (ici des A110 en 1976)

Avec l’avènement de l’usine de Dieppe, le garage de la rue Forest ne sera plus jamais le lieu d’assemblage d’une Alpine, ni même le siège social qui lui aussi déménagera à Dieppe. En revanche, il est toujours resté dans la famille Rédélé-Escoffier. Aujourd’hui, il existe toujours, et abrite à son dernier étage la collection d’Alpine de la famille Rédélé (non ouverte au public). Le toit du Garage et ses rampes d’accès aux étages serviront souvent à des tournages ou à des lancements de modèles pour de grandes marques automobiles. Régulièrement, Renaud Roubadi, grand maître de Petites Observations Automobiles (http://petites-observations-automobile.com/) y emmène en ballade ses petits observateurs tandis que bientôt, le tout-Paris branché viendra profiter des lieux…

Si à Dieppe on assemblera bientôt à nouveau des Alpines, on construit aussi des Bolloré Bluecar: drôle d'alliance !Si à Dieppe on assemblera bientôt à nouveau des Alpines, on construit aussi des Bolloré Bluecar: drôle d’alliance !

En effet, Laurent de Gourcuff (qui gère déjà le Zig Zag au sous-sols de l’ancien Garage Marbeuf, lire aussi : Garage Marbeuf) a réussi à convaincre Jean-Charles Rédélé, fils de Jean et petit-fils de Charles Escoffier d’y organiser soirées et restaurant éphémère sur le dernier plateau et la terrasse de l’ancien Grand Garage ! Enfin, si vous désirez offrir un écrin à votre ancienne, ou tout simplement vous garer dans un quartier où les places sont rares, alors vous avez l’adresse désormais (http://ww.parking-redele.fr). Vous prendrez sûrement le temps, ensuite, de traverser la rue caulaincourt, de tourner à droite avenue Rachel, et d’entrer au cimetière Montmartre pour rendre un dernier hommage à Jean Rédélé qui y est enterré.

Parking Rédélé: 11, rue Forest, 75018 Paris

[EDIT: mon ami Adrien, du site ABC Moteur, y a garé sa voiture par hasard… voici son reportage photo, ça donne envie: La magie des Parkings]

Crédit iconographique: DR et Petites Observations Automobiles (Photo de couverture)

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17 juil. 2023 - 18:48
Guy daniel

Petite larme oui ,car j’ai commencé en 1964 rue Forest chez ALPINE.
Daniel