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Engesa 4 / EE-12 : un 4x4 à la peau dure

PAUL CLÉMENT-COLLIN - 3 mars 2017

Parfois, la géopolitique peut tuer une voiture pourtant pétrie de qualités… Du moins suffisamment pour renaître 10 ans après l’arrêt de sa production, et 20 ans après son lancement. C’est le cas de l’Engesa 4 « jipé », née en 1985, arrêtée en 1993 puis relancée sous une autre marque et un autre nom, l’Agrale Marrua.

C’est à partir de 1983 que la firme d’armement brésilienne Engesa, plus connue pour sa production de blindés que pour sa production automobile, se décide à se lancer dans l’étude et la fabrication d’une Jeep à usage militaire pour équiper l’armée brésilienne ou utilitaire pour le marché civil. Il s’agit d’un véhicule rustique, récupérant de nombreuses pièces issues de la production automobile brésilienne pour en abaisser le coût (GM notamment), relativement compact (il s’agit de remplacer les vieilles Jeep de l’armée brésilienne), et doté de capacités de franchissement, évidemment !

En ce début des années 80, la firme Engesa est assez ambitieuse sur le marché de l’équipement militaire. Forte d’un certain succès dans les véhicules blindés, elle se veut le fournisseur incontournable de l’armée brésilienne, mais aussi des forces armées des pays dits « non alignés » alors que le monde est en pleine guerre froide. D’un côté elle lance à partir de 1982 un ambitieux char de combat dénommé EE-T1 Osorio, concurrent des AMX 30 français, Challenger anglais et M1 Abrams américains, et de l’autre investit le marché du tout terrain militaire et civil à partir de 1984.

Le EE T1 Osorio qui devait équiper les forces armées saoudiennes…

En 1985, l’Engesa EE-12 (version militaire) ou 4 (version civile) entre en production. Transmission intégrale, différentiel à glissement limité, essieux rigides à barres oscillantes longitudinales et transversales et ressorts hélicoïdaux, l’Engesa 4 a beau être rustique dans sa conception, il n’en est pas moins excellent dans ses missions de franchissement. Sa face avant agressive lui donnera rapidement un surnom chez ses utilisateurs : le Rhino. Il est équipé d’un 4 cylindres d’origine GM développant 88 ch en version essence, et 75 ch en version « alcool ». Un diesel Perkins sera testé sans jamais être introduit de série.

La même année que les premiers exemplaires des Rhino, le premier prototype du char Osorio est finalisé. Développé sur fond propre sans aide gouvernementale, l’Osorio doit en premier lieu trouver des marchés à l’exportation avant d’équiper a priori l’armée brésilienne. L’entreprise compte sur une compétition internationale pour l’équipement de l’armée Saoudienne en chars lourds. En concurrence sur cet appel d’offre avec l’AMX et l’Abrams, Engesa est confiante et tous les signes indiquent que la firme remportera le marché. On est confiant chez Engesa, d’autant que l’EE-12 / 4 commence à bien se vendre, tant au Brésil qu’à l’étranger (notamment la Jordanie et l’Irak).

L’usine, située à Sao José dos Campos, monte en cadence : outre le marché militaire, le marché civile répond plutôt bien à ce petit Jipé 4. Les routes sont souvent difficiles, défoncés et rarement bitumées, et les constructeurs brésiliens ont toujours tenter de proposer des véhicules tout terrain adaptés, comme Willys-Overland puis Ford (lire aussi : Willys / Ford Rural), Karmann avec sa version locale du Land Rover Defender (lire aussi : Karmann-Ghia Defender), Toyota (lire aussi : Toyota Bandeirante), et plus tard JPX (lire aussi : JPX Montez) ou Troller (lire aussi : Troller T4).

Tandis que la 4×4 commence à se faire sa place sur le marché, les choses tournent vinaigre du côté du blindé Osorio. Dans un premier temps, tout va bien, puisqu’il sort officiellement vainqueur de l’appel d’offre Saoudien. Mais la réalité géopolitique va changer la donne. Sous la pression des américains, l’Arabie Saoudite va changer d’avis. En septembre 1989, les saoudiens font savoir discrètement aux américains leur choix, in fine, d’acheter le M1 Abrams. Personne chez Engesa n’est au courant, et le développement de l’Osorio continue. Déjà 3 prototypes ont été construits, et on se prépare à honorer industriellement la commande du Royaume arabe.

La décision d’acheter des chars américains en lieu et place de l’Osorio brésilien ne sera annoncée officiellement qu’après l’invasion du Koweit par l’Irak, début août 1990. Cette décision hautement politique est une catastrophe pour Engesa qui, face au désistement de l’Arabie Saoudite, se retrouve dans une situation financière critique. Le développement de l’Osorio lui a coûté plus de 200 millions de $, et se retrouve désormais face à ses banques et créanciers, qui bien entendu mettent la pression au groupe d’armement pour remboursement. Les ventes correctes de l’Engesa 4 ou EE-12 ne suffisent pas, et la firme doit déposer le bilan en 1993, laissant 5000 employés sur le carreau !

L’Agrale Marrua, héritier de l’Engesa encore produit aujourd’hui

La production de l’Engesa 4 cesse donc cette année là, après 1670 exemplaires vendus, dont 500 à l’armée brésilienne. Mais l’histoire de ce petit 4×4 ne s’arrête pas là. Au moment de la faillite, plusieurs ingénieurs de la firme, convaincus par le produit, rachètent les droits de l’Engesa 4 avec l’idée d’en poursuivre la production. Sur la base de l’EE-12/4, ils vont développer un nouveau produit, appelé Marrua, et convaincre le constructeur de matériel agricole et d’utilitaire de le produire à nouveau. Agrale est convaincu du projet et va investir 11 millions de $. En 2004, le Marrua entre en production, et en 2005, l’armée brésilienne le choisit pour équiper les forces brésiliennes.

Un Agrale Marrua aujourd’hui

Voilà comment ce petit 4×4 à la peau dur se retrouve encore produit aujourd’hui, dans des versions modernisées et plus évoluées, plus de 30 ans après son lancement, et malgré une interruption de plus de dix ans. Aujourd’hui, on trouve encore des Engesa originels en vente d’occasion au Brésil, mais ils sont rares car bien souvent leur propriétaires les chouchoutent et les gardent précieusement, preuve de leurs qualités d’origine.

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