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BMW 507 : le roadster maudit

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 04/08/2022

On ne peut pas gagner à tous les coups, et la BMW 507 en est la démonstration. La marque de Munich se cherche encore au milieu des années 50 et se laisse convaincre de jouer la carte du sport et du luxe pour séduire la clientèle américaine. Mauvaise pioche, car malgré une ligne superbe, la 507 ne parviendra jamais à percer, entraînant BMW vers une faillite qu’elle évitera de justesse. Voici donc l’histoire de cette voiture maudite à l’époque et devenue culte aujourd’hui.

Au début des années 50, le marché des Etats-Unis est le seul capable d’absorber en masse des véhicules de sport ou de luxe. L’Europe a les compétences pour les construire mais les traces de la guerre sont encore bien présentes et son marché est encore trop restreint pour ce type de voitures. Pour réussir (et ramener des devises ô combien nécessaires), il faut donc séduire le marché américain. Le “pape” de la voiture européenne outre-Atlantique, c’est Max Hoffman, importateur de génie qui n’hésite pas à provoquer la chance en proposant aux marques de produire des modèles spécifiques pour ses clients.

Un roadster pour l’Amérique

C’est en grande partie à Hoffman que l’on doit la Mercedes 300 SL ou bien la Porsche 356 Speedster America, deux succès commerciaux autant que d’image. Entre la Speedster à moins de 3 000 dollars et la 300 SL à 7 500 dollars, il y a de la place, croit Hoffman, pour un roadster élégant à 5 000 dollars, plus luxueux que la première et moins sportive que la seconde. C’est dans cette optique qu’il va convaincre BMW, récemment entrée dans son portefeuille de marques importées, de se lancer dans l’aventure.

En 1954, la marque à l’hélice n’est pas encore l’entreprise florissante que nous connaissons aujourd’hui : la guerre a laissé des traces, et l’entreprise a perdu toutes ses installations industrielles. Ses berlines 501 et 502 ne suffisent pas à retrouver des volumes de vente suffisants, à tel point que BMW s’apprête à faire le grand écart en produisant sous licence la petite Isetta. Dans l’ombre, Mercedes semble de plus en plus intéressée pour racheter son concurrent allemand. BMW se laisse donc convaincre de lancer deux voitures –  la 503, une 2+2 de luxe, et le roadster 507 – afin de conquérir le Nouveau Monde.

Une ligne à couper le souffle

Un premier dessin de Ernst Loof sera retoqué sur l’insistance de Hoffman qui finira par imposer un élève de Raymond Loewy, Albrecht von Goertz qui signera un dessin d’une exceptionnelle finesse, un chef d’oeuvre d’équilibre qui fait aujourd’hui son succès auprès des collectionneurs fortunés. La carrosserie est en aluminium, entièrement réalisée à la main. Le châssis est une version raccourcie de celui de la 502. Sous le capot, l’ingénieur Fritz Fiedler a placé un tout nouveau V8, tout alu lui aussi, de 3,2 litres et développant 150 chevaux.

La 507 pouvait recevoir un hard top, fait à la main et en aluminium lui aussi

La voiture est évidemment présentée au public sur son principal marché, au Waldorf Astoria de New York, en 1955. La voiture est belle et la presse en apprécie le dessin au point de voir en la BMW une vraie concurrente aux italiennes . Elle sera ensuite présentée au Salon de Francfort à l’automne de la même année, mais la production ne commencera réellement qu’en 1956. Dès lors, rien ne se passera comme prévu. A l’origine, Hoffman avait convaincu BMW qu’un tel modèle disposait d’un potentiel d’au moins 5 000 voitures. En réalité, la 507 n’atteindra pourtant qu’à peine 5 % de cet objectif, entre 1956 et 1959.

Echec commercial

Pourtant moderne, agréable à conduire et particulièrement élégante, la 507 a tout pour plaire. Mais c’est sans compter une élément déterminant : son prix. L’ambition qu’a mis BMW dans sa réalisation a fait exploser les coûts. L’utilisation de l’aluminium pour sa carrosserie oblige à une production artisanale, ce qui augmente les coûts. Le nouveau V8 a lui aussi coûté cher en développement. Résultat, même en relevant le prix à 9 500 puis plus de 10 000 dollars, la 507 n’est toujours pas rentable.

Malgré une clientèle huppée séduite par sa ligne (Alain Delon ou Elvis Presley), le prix de vente reste trop élevé pour atteindre de trop ambitieux objectifs. D’autant que, contrairement à Mercedes dont la 300 SL bénéficiait de ses succès en compétition, BMW se refuse à toute implication sportive. Dans le même temps, le lancement de l’Isetta brouille l’image de la marque de Munich qui fait alors le grand écart. Pire, la 503 s’avère elle aussi un four, se vendant à peine plus que la 507.

Collector exclusif

Au total, seuls 252 exemplaires de la 507 trouveront preneurs (dont 42 d’une première série au réservoir plus grand). En 1959, BMW, éreintée par ces investissements en pure perte sans arriver à compenser avec l’Isetta aux faibles marges, est à deux doigts de la faillite. Mercedes tente le rachat mais l’un des actionnaires de BMW, Herbert Quandt apportera suffisamment de capitaux pour sauver la marque. Il faut dire que dans les cartons se trouve celle qu’on appelle la Neue Klasse (la BMW 1500) qui, enfin, apportera l’identité qu’il manquait à la marque.

Aujourd’hui, la BMW 507 bénéficie de cet échec : rare et donc exclusive, équilibrée, agréable à conduire, elle est particulièrement recherchée. Conséquence, s’offrir une 507 oblige à un solide compte en banque, surtout si le modèle convoité fut la propriété d’une célébrité.

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